Nouveau bond des faillites dans la branche, qui dépassent leur niveau d’avant-crise

Les défauts de paiement avaient déjà doublé en 2022, mais sans atteindre leur plafond des années 2018-2019. En grimpant encore de 44 % en 2023, les 8 000 faillites actées par les tribunaux dépassent cette fois de 14 % les 7 000 enregistrées en 2019, selon le rapport annuel d’Altares. Plus inquiétant, les juges ont prononcé 5 600 liquidations, c’est un quart de plus qu’en 2019. Cette vague a touché tous les secteurs, Hôtels compris. Les plus fragiles restent la Restauration rapide et les Débits de boissons, leur trésorerie étant asséchée par le recul de la consommation.

Les défauts de paiement avaient déjà doublé en 2022, mais sans atteindre leur plafond des années 2018-2019. En grimpant encore de 44 % en 2023, les 8 000 faillites actées par les tribunaux dépassent cette fois de 14 % les 7 000 enregistrées en 2019, selon le rapport annuel d'Altares. Plus inquiétant, les juges ont prononcé 5 600 liquidations, c'est un quart de plus qu'en 2019. Cette vague a touché tous les secteurs, Hôtels compris. Les plus fragiles restent la Restauration rapide et les Débits de boissons, leur trésorerie étant asséchée par le recul de la consommation.

Le Relais SPA Val d’Europe (hôtel 4 étoiles proche de Disneyland Paris) est l'une des 30 entités du groupe Reside Etudes ayant fait l'objet en décembre d'une procédure de sauvegarde pour une période de six mois renouvelable. Celle-ci, pour éviter la mise en faillite, doit permettre de réechelonner et restructurer la dette financière du groupe et de négocier avec les propriétaires des actifs qu'il gère.

Nous le pressentions il y a tout juste un an. L’année 2023 aura effectivement marqué la fin d’une exception économique française.

Secteur d’activité le plus touché en 2020 et-2021 par la crise sanitaire Covid-19, l’hébergement Restauration fut aussi celui qui subit le moins de défaillances financières dans cette période.

Mais la donne a changé avec la fin des aides publiques et des suspensions de procédures (Urssaf + tribunaux de commerce). Et dès 2022, les faillites reprirent leur cours naturel.

Et depuis deux ans, elles progressent même plus rapidement dans les HCR que sur l’ensemble des autres secteurs d’activité. De +103 % en 2022, contre 50 % dans les autres secteurs. Et de +44 % en 2023, versus 36 %. Dans la même logique, alors que les HCR ne pesaient plus que 9 % du stock total de défaillants en 2021, ils en pèsent désormais 14 %.

Même asynchronie pour les liquidations judiciaires. Leur nombre a progressé de 38 % l’an dernier dans la branche, contre 31 % dans les autres secteurs. Du coup, leur proportion dans le stock d’entreprises liquidées est passée de 9,6 % à 13,7 %.

Près de huit créations pour une seule liquidation

Cette augmentation impressionnante des liquidations entre 2021 et 2023 (2023 vs 5633, soit + 178.45 %) est-elle pour autant le symptôme avant-coureur d’une crise à venir ? L’affirmer serait prématuré.

A ce stade, il s’agit d’un rattrapage. Et d’un retour aux conditions habituelles du marché. Un marché ouvert, où la concurrence et la consommation s’exercent librement. Du coup, quand la concurrence s’exacerbe par endroit et que la consommation recule, ces tensions provoquent inévitablement des défauts au sein des entreprises les plus fragiles. Lire ci-dessous l’interview de Thierry Millon.

Mais ce marché, jusque là, a été suffisamment porteur pour permettre la création entre décembre 2022 et novembre 2023 d’environ 39 000 établissements d’Hébergement Restauration. Sur 2022, selon l’Observatoire de BpiFrance, il s’est créé près de 7 200 entreprises d’Hébergement et environ 31 000 établissements de Restauration. Ainsi, pour 1 entreprise qui disparait, il s’en crée ou recrée 7, voire 8 !

Malgré tout, ce marché souffre d’un affaiblissement de la demande, qui très affectée par l’inflation. Les consommateurs arbitrent au détriment de leurs dépenses de restauration. Selon au moins deux études privées (Food Service Vision et RMS), la consommation tend à y reculer depuis l’automne 2023. L’Insee note également sur octobre (dernier mois connu), une baisse de l’indice de production (chiffre d’affaires). Sans relance de la consommation hors domicile dans les mois à venir, le niveau de défaillances restera élevé.

Et c’est d’ailleurs dans le secteur où il se crée le plus d’établissements, la restauration rapide, (plus de 17 000 créations en 2022) que les défaillances, et singulièrement les liquidations, sont proportionnellement les plus nombreuses. L’espérance de vie de ces entrants est souvent éphémère. Elle risque de le rester si l’activité ne reprend pas d’avantage de  couleurs.

Le nombre de décisions prononcées par les tribunaux en 2022 et 2023

6 449 établissements de Restauration ont défailli en 2023, en générant 4 617 liquidations. C’est beaucoup mais le rythme ralentit fortement sur un an. Le nombre de défaillances avait doublé en 2022. La hausse est désormais ramenée à +45%. Elle descend même à +23,4 % pour les liquidations, contre +25 % en 2022.

La tendance est même inférieure à la moyenne générale pour la Restauration traditionnelle (+35,3%) qui compte 3 347 défauts. A contrario, la Restauration rapide accuse une dégradation de +58,5% pour 2 832 établissements. Les débits de boissons (1 138, + 41,7 %) présentent une tendance voisine de celle de la Restauration.

L’hébergement résiste mieux en apparence, avec seulement 380 défaillances, dont 216 liquidations. Mais leur progression, de +36,2 % est supérieure à celle de l’exercice 2022 (+23,5 %) qui avaient enregistré 279 faillites dont 175 liquidations.

Il faut se garder, toutefois, de comparer les secteurs par leur volume de faillites. Plus pertinent serait le critère du taux de défaillances dans un secteur, au regard du nombre d’établissements que ce secteur compte. Ce critère n’est pas disponible pour l’instant.

Sauv. : procédures de sauvergardes
RJ : redressements judiciaires
LJ : liquidations judiciaires
Lecture :  En 2023, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 44,4 % dans la branche par rapport à 2022.  Les liquidations judicaires ont augmenté de 39,3 % dans la Restauration. Et de 23,4 % dans l’Hébergement.
Source du tableau :  Altares – retraitement HR-infos

L’évolution du nombre de défaillances au 4 ème trimestre entre 2013 et 2023

Lecture : Au 4 ème trimestre 2023, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 39,7 % dans la branche par rapport au 4 T 2022 et de 26 % par rapport au 4T 2019. Elles ont augmenté de 20,9 % dans la Restauration. Et de 30 % dans les Débits de boissons. Elles baissent de 12,7 % dans l’Hébergement.
Source du tableau : Altares Défaillances CHR 2023T3 – retraitement HR-infos

Détail des défaillances par secteur, par comparaison trimestrielle

Au 4 ème trimestre 2023, les défaillances ont à nouveau augmenté dans la quasi totalité des secteurs

Code couleur : les pourcentages en vert désignent des reculs du nombre de défaillances ; les pourcentages en rouge désignent des augmentations.

Lecture :  Au quatrième trimestre 2023, les défaillances d’hôtels ont augmenté de 40,3 % par rapport au 4 T 2022.  Elles étaient en hausse de 52,4 % dans la Restauration rapide. Elles ont progressé de 52,2 % chez les Traiteurs.

Source des deux tableaux : Altares Défaillances CHR 2023T4 – retraitement HR-infos

Des données réputées fiables et exhaustives provenant des sources judiciaires

Altares comptabilise l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro Siren. A savoir entreprises individuelles, professions libérales, sociétés et associations. Elle comptabilise également celles ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou de Grande Instance.

Altares collecte par ailleurs l’ensemble des jugements auprès des greffes de ces Tribunaux. L’entreprise est également licenciée officiel du B.O.D.A.C.C.

Trois questions à Thierry Millon, directeur des études du groupe Altares

C’est en 2023, selon vos chiffres, que les défaillances du secteur Hébergement Restauration ont pour la première fois dépassé leur niveau d’avant-crise (2019). Diriez-vous que la forte progression des défaillances dans ce secteur ces deux dernières années constituent un rattrapage, un retour à la normale, après deux années de crise, d’exception juridique et de suspension des assignations des Urssaf ? Ou reflètent-elles à nouveau une fragilité financière structurelle propre à ce secteur ?

« Très clairement, nous sommes là sur un secteur qui souffre d’une « panne » de consommation précipitant les établissements les plus fragiles vers la défaillance. Les changements de comportements de consommation accélérés avec la Covid et en même temps les contraintes de pouvoir d’achat pèsent sur les chiffres d’affaires. Les charges se sont ont également alourdies (matière spremières, salaires, énergie, « prix de l’argent ») ; un poids devenu insupportable pour les établissements qui tenaient grâce aux aides. »

La Restauration rapide est à nouveau le secteur le plus affecté. Quelles en sont les raisons ? Les défaillances touchent-elles un profil spécifique d’établissement ?

« La restauration rapide, comme d’autres métiers, celui des coiffeurs par exemple, connait une dynamique de créations. Ce sont ces dernières qui, mécaniquement, gonflent les chiffres de défauts. C’est là le point majeur, parce que cette très forte concurrence permet difficilement de pérenniser son activité. Sauf à se démarquer en montant en gamme. Mais cela alourdit la facture d’installation ! »

A contrario, quels sont les secteurs des CHR qui vous semblent les plus résilients et solides financièrement ? Quels sont leurs « secrets », leurs « bonnes pratiques » pour se prémunir ?

« La restauration à table et debout représente l’essentiel du portefeuille, en étant composée pour l’essentiel de petits établissements. Mais cela ne doit pas nous laisser penser que les PME seraient plus résilientes que les TPE. En effet, en 2023, ce sont les PME (>10 salariés) qui ont le plus souffert avec une hausse des cessations de paiement deux fois plus rapide que pour les TPE (+93% vs +43%). »

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